La communication chimique chez les abeilles

La communication revêt une importance particulière chez les abeilles, elle est un facteur de cohésion et de coordination des actions du groupe. L’ absence de détection des sons, le peu de sensibilité au toucher, et la déficience de la vue dans l’obscurité de la ruche sont remplacés chez l’abeille par des émissions chimiques appelées substances sémiochimiques. Ces substances sont produites par tous les individus d’une ruche, reine, mâles, abeilles et larves.

Les substances sémiochimiques sont de trois types :
– Les Allomones, destinées à une autre espèce mais favorables à l’espèce qui l’émet.
– Les Kairomones, destinées à une autre espèce mais favorable à l’espèce qui la reçoit.
– Les Phéromones, destinées à l’espèce qui l’émet.

Attention, l’une peut devenir l’autre, la substance émise par la larve d’abeille qui doit être operculée est faite pour attirer les cirières qui vont mettre en place l’opercule, c’est une phéromone, mais en même temps elle prévient les varroas de l’imminence de la fermeture de la cellule, le moment propice pour ce parasite s’y glisser, pour le varroa c’est une kairomone.

Fécondation d'une reine
Fécondation d’une reine

Phéromones sexuelles:

Sécrétée par les glandes mandibulaires de la reine, le 9-céto-2-décènoïque joue un rôle lors du vol nuptial de la reine pour attirer les faux-bourdons, mais il doit agir en même temps qu’ un autre acide réducteur le 9-hydroxy-2-décènoïque.
Les mâles produisent eux aussi une phéromone sexuelle aérienne qui attire les reines en instance d’accouplement  vers le lieu du rassemblement des mâles. Lorsqu’une reine vierge arrive près de l’endroit du rassemblement, ce sont les phéromones de la reine qui déclenchent la course poursuite pour l’acte d’accouplement.

                                Phéromones de cohésion sociale:

Les jeunes abeilles absorbent les phéromones de la reine en la léchant.
Les jeunes abeilles absorbent les phéromones de la reine en la léchant.

L’acide 9-céto-2-décènoïque a aussi un rôle important à jouer, assurer la cohésion de la colonie, elle commande en même temps aux ouvrières de nourrir la reine, de la toiletter, de la lécher, la substance royale léchée est ensuite distribuée à toutes les ouvrières ce qui inhibe leurs ovaires. Des glandes épidermiques produisent du méthyl-4-hydroxybenzoate qui parait être bénéfique pour la cohésion de la colonie. L’absence (mort de la reine) de substances royales va déclencher chez les abeilles un réflexe d’élevage de nouvelles reines pour assurer la survie de la colonie. L’échec de l’élevage de nouvelles reines va prolonger l’absence de substance royale dans la colonie. Cette substance qui inhibait le développement des ovaire des ouvrières n’existant plus, certaines abeilles vont développer leurs ovaires et se mettre à pondre. Comme elles n’ont pas été  fécondées, elles ne vont donner naissance qu’à des mâles. On dit que la ruche est bourdonneuse, la colonie est condamnée. Les abeilles pondeuse vont  émettrent la même phéromone que la reine, l’acide 9-céto-décènoïque.

Les abeilles ont commencé un élevage royal
Les abeilles ont commencé un élevage royal

La diminution de ces substances royales, en cas de reine vieillissante , ou de très forte augmentation de population, (dans ce cas les phéromones ne sont pas produites en quantité suffisante pour être réparties entre toutes les abeilles ) va déclencher un élevage royal, qui va entrainer le départ de la vieille reine et de la moitié des abeilles, c’est l’essaimage.

Abeille battant le rappel,on voit la glande de Nasanov à l'extrémité de son abdomen
Abeille battant le rappel,
on voit la glande de Nasanov à l’extrémité de son abdomen

Les substances émises par la glande de Nasanov sont  utiles pour attirer les abeilles et faire rentrer l’essaim, (battre le rappel), et  peut-être aussi pour faire repérer la ruche par la reine lors du retour de ses vols de fécondation. Il s’agit d’un mélange de géraniol, de citral, d’acide géranique et nérolique.Les glandes de Koschevnikof situées près de l’aiguillon de la reine participeraient aussi à la cohésion de la grappe d’abeilles.

Phéromone d’alarme et d’attaque:

Les phéromones d’alarme, utilisées par les insectes sociaux, provoquent une réaction d’alerte immédiate dans la colonie, mais de courte durée.

La modification du comportement préparée par la phéromone peut être amplifiée par des gestes brusques, des odeurs corporelles ou autres ou des sons à proximité de la ruche.
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La phéromone d’alarme, la 2-heptanone CH3 CO (CH2)4 CH3, sécrétée par des glandes mandibulaires des ouvrières, met la colonie en alerte lorsqu’un intrus s’approche de la ruche, ou qu’une abeille est agressée. L’attaque est possible si des gestes brusques sont exécutés à proximité.

Cette substance cétonique peut être confondue, par l’abeille, avec d’autres subtances cétoniques, comme l’acétone de certains vernis à ongles ou la benzophénone utilisée comme fixateur de presque tout les parfums cosmétiques, d’où les risques de piqûres pour les personnes qui utilisent des vernis à ongles , ou des parfums.
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La phéromone d’attaque, l’acétate d’isoamyle (CH3)2 CH CH2 CH2 OCO CH3,  est produite par des cellules bordant la poche à venin, c’est pourquoi, si une abeille vous pique, ces glandes restant avec le dard et mises à nu continuent à émettre le signal d’attaque

Récemment, on a trouvé une nouvelle phéromone, le 4-11-eicosène-1-ol , émise par l’appareil vulnérant et qui serait aussi une phéromone d’alarme.
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En cas d’attaque, les nombreux dards restant dans les vêtements peuvent imprégner ces mêmes vêtements de phéromones qui vont déclencher une nouvelle attaque lors de la visite suivante. Il est donc conseillé de laver fréquemment les vêtements de protection. (Pour ceux qui utilisent des gants, il existe maintenant des gants de protection en latex faciles à nettoyer et à désinfecter, autre avantage, les dards ne traversent pas)

Phéromone de marquage:

A l’extrémité des pattes, existe la glande d’Arnhart qui permet également de marquer au sol des pistes à l’entrée de la ruche. La reine et les faux-bourdons possèdent aussi cette glande qui émet cette phéromone qui est appelée Epagine ETA.

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Les butineuses vont laisser sur les fleurs visitées des traces olfactives de leur passage qui vont être détectées par les autres butineuses. (Et qui vont leur signaler que la fleur est intéressante? où alors qu’elle vient d’être visitée et qu’il ne faut pas y perdre de temps? Peut être les deux, une phéromone en train de disparaitre va peut être signaler à l’abeille que la fleur est intéressante et qu’elle est pleine de nectar, n’ayant pas été visitée récemment)
La tête de l’abeille serait, d’après certains chercheurs, la source d’une trentaine de phéromones dont quelque-unes seulement ont été isolées. Chez Apis Mellifera, on dénombre 11 glandes différentes (essentiellement disposées au niveau de la tête et de l’abdomen), dont actuellement on ne connaît qu’une partie de la fonction.

L’éthil oléate:

Cette phéromone régule le comportement de butinage des jeunes abeilles. Elle est émise par les butineuses et inhibe l’évolution des jeunes abeilles en butineuses.
1) En cas de grosse miellée (et beau temps) : les butineuses sont « au champ », et donc les jeunes abeilles restées à la ruche ne sont pas exposées à l’éthyl oléate: elles évoluent plus vite en butineuses.Une colonie sait mobiliser ses forces pour profiter d’une bonne miellée.
2) En cas de mauvais temps : les butineuses sont confinées dans la ruche et diffusent de l’éthyl oléate aux jeunes abeilles : celle-ci restent plus longtemps au stade nourrice. Plus de nourrices dans la ruche, donc plus de sécrétions de gelée royale, stimulation de la ponte de la reine, augmentation de la population et déclenchement du processus  de l’essaimage. Cela recoupe l’observation faite que le mauvais temps accentue l’essaimage, de beaux exemples pendant l’année 2012.

Comment sont perçues les phéromones?

Le sens olfactif de l’abeille se situe surtout au niveau des antennes qui portent de très nombreux organes sensoriels.
Trophallaxie
Nous avons vu que les phéromones émises par la reine jouent un rôle important dans la cohésion de la ruche et dans sa régulation. Elles sont répartie dans toute la colonie par le léchage ou les échanges de nourriture (trophallaxie) entre tous les membres de la colonie. Il est certain que les phéromones royales ne sont pas les seules, que d’autres régissent aussi la vie sociale de la colonie : il faudra encore beaucoup de temps et de recherches pour connaître tout ce qui se passe dans la colonie d’abeilles.